Notre vision de l’enseignement supérieur privé
I- L’enseignement supérieur privé dans le monde
L’organisation de l’enseignement supérieur diffère considérablement selon les pays et les continents. Même des pays occidentaux comme les payes européens et ceux d’Amérique ont des systèmes sensiblement différents. En particulier la place, le rôle et le financement de l’enseignement privé présentent beaucoup de différences. Contrairement au système français, l’enseignement supérieur américain est totalement décentralisé. Cette organisation accorde aux universités une totale autonomie dans la conception des programmes, la mise en place des méthodes d’enseignement, le recrutement des enseignants et l’évaluation des étudiants.
D’autre part, les universités privées ont toujours été présentes aux Etats-Unis d’Amérique. La création d’universités publiques est décidée et réalisé par les Etats indépendamment du pouvoir fédéral et l’accréditation de ces universités est faite par des organismes américains non-gouvernementaux qui sont responsables de définir et de maintenir des normes d’éducation. Un établissement supérieur est accrédité s’il remplit les conditions exigées par l’organisme d’accréditation.
Les universités privées peuvent obtenir des subventions des Etats et, dans l’autre sens, les universités publiques reçoivent des dons et des aides de secteur privé.
En France, le secteur public est dominant dans le domaine de l’enseignement supérieur et les programmes de formation, le système des examens et les diplômes sont visés par l’Etat.
Toutefois, on observe une croissance importante du nombre et des effectifs étudiants des universités privées pendant les 20 dernières années. En vingt ans, les inscriptions d’étudiants dans ces établissements ont doublé, tandis qu’elles n’ont augmenté que de 17 % dans l’enseignement public, d’après le ministère français de l’enseignement supérieur. Le nombre des étudiants à la rentrée 2020 est d’environ 600 000 étudiants, soit 21% de l’ensemble des étudiants en France.
II- La situation en Tunisie
L’organisation de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique en Tunisie est quasiment identique à celle de la France. En effet, les bâtisseurs de l’université tunisienne avaient fait leurs études en France et, par conséquent, ont cloné le système français. Ainsi, le rôle de l’Etat est prépondérant dans la gestion des universités qui, pendant deux ou trois décennies après l’indépendance étaient exclusivement des universités publiques. Toutefois, depuis un peu plus de 20 ans, des universités privées ont commencé à voir le jour. Cette tendance connait un essor de plus en plus grand durant les dernières années. On compte aujourd’hui environ 80 universités privées.
Pendant l’année universitaire 2021-22, on dénombre 42241 étudiants inscrits dans les universités privées sur un total de 298805 étudiants inscrits dans les deux secteurs public et privé, soit un pourcentage de 14,13% d’après les données du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (cliquer ici). En outre, il est à signaler qu’il y a une séparation quasi-totale entre les deux secteurs public et privé sauf quelques rares exceptions de collaboration d’universités des deux secteurs. Il en est de même du financement. Le secteur public est financé par le budget de l’Etat et n’a que peu de ressources provenant d’autres sources de financement. D’un autre côté, le secteur privé ne bénéficie d’aucune subvention des pouvoirs publics contrairement à ce qui se passe dans les pays anglo-saxons, notamment. Le lien qui unit les deux secteurs se trouve au niveau des programmes de formation, des systèmes d’évaluation et de la validation des diplômes qui sont soumis aux mêmes normes dans les deux secteurs et doivent être habilités par le ministère. L’autre lien qui permet une communication entre privé et public ce sont les enseignants qui exercent dans les deux secteurs, bien que les universités privées sont tenus d’engager des enseignants permanants.
III- Classement mondial des universités
L’évocation du système universitaire américain et de la relation entre public et privé nous mène tout droit à l’évocation de l’excellence académique et à l’incontournable « ranking » des universités. En effet, il faut noter que les principaux classements des universités du monde, dont le plus emblématique, le Shanghai ranking, accordent la part du lion, en tête de peloton, aux universités anglo-saxonnes et particulièrement américaines qui sont souvent des universités privées. Et ceci prouve l’importance d’un secteur privé performant pour élever le niveau de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Cette observation ne peut être que confortée quand on voit que les universités françaises qui obéissent au statut d’établissement public n’arrivent pas à bien se positionner dans ces classements. Pour le cas de notre pays, il ne faut évidemment pas paniquer quand on voit que la seule université tunisienne, celle de Sfax, qui a réussi à inscrire son nom parmi les mille meilleures universités du monde du Shanghai Ranking 2022 se trouve classée parmi les cent dernières avant 1000. En effet les moyens financiers, les méthodes de gestion, et l’environnement socio-économique sont incomparables entre ceux d’une université comme Harvard, MIT ou Oxford et une université tunisienne. Rien que le budget de ces universités dépasse celui de certains pays. C’est pourquoi, se classer parmi le top 1000 est une performance quand on compare les moyens matériels, humains et organisationnels d’une université tunisienne avec ceux des universités les plus performantes. Pour des raisons évidentes, les universités privées tunisiennes, non autorisées à développer des activités de recherche, n’ont aucune chance de figurer dans ces classements qui sont essetiellement basés sur les travaux de recherche scientifique des enseignants et des diplômés.
IV- Quelles perspectives pour l’enseignement supérieur privé en Tunisie ?
L’examen succinct de l’état des lieux en France et aux Etat-unis présenté plus haut, permet de s’inspirer de ces modèles et d’oser dégager quelques pistes de réflexion pour améliorer le système national de l’enseignement supérieur dans son ensemble et de l’enseignement supérieur privé en particulier. Notons tout d’abord qu’en 2023, on compte 256564 étudiants dont 169084 filles inscrits dans les établissements d’enseignement supérieur publics et 42241 dont 19015 filles dans le privé. Une ébauche d’analyse à ce sujet fera l’objet d’un prochain article.